Le Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples

Un article de WikiMrap.

Entre 1971 et 1979, le MRAP a recensé pas moins de 104 crimes à caractère raciste. En novembre 1971, Djellali Ben Ali est assassiné par le gardien de son immeuble rue de la Goutte-d'Or à Paris.

Le 28 novembre 1972, Mohammed Diab, 32 ans, est tué au commissariat de Versailles par le sous-brigadier Robert Marquet, qui sera finalement inculpé pour homicide involontaire. Maître Gisèle Halimi, avocate du MRAP, se battra en vain pour que le caractère raciste de l'homicide soit reconnu : la Cour d'appel de Paris prononcera un non-lieu en 1979 !

Le MRAP lancera un appel intitulé : « Le racisme tue en France ». Cette affaire suscite une importante mobilisation, dont celle de Jean-Paul Sartre et Michel Foucault. Le meurtrier, Daniel Pigot, est finalement condamné à deux ans de prison ferme (juin 1977).

En juin 1973, le ministre du Travail et des Affaires sociales, M. Gorse, annonce la suppression de la concordance entre permis de travail et titre de séjour. Le ministre annonce également le renforcement du contrôle de l'immigration. La circulaire Fontanet inaugure l'ensemble des lois qui seront prises dans les décennies suivantes pour empêcher l'entrée des immigrés en France. Le MRAP les étudie avec beaucoup d'attention. Maître George Pau-Langevin[1] écrit régulièrement pour le MRAP des articles où elle décortique ces projets et en explique les conséquences.

Fin 1973, 35 000 immigrés ont déposé des demandes de régularisation comme les y incitait la circulaire Fontanet, alors que le solde migratoire était de 105 000 personne en 1972. Pour le MRAP : « Tout se passe comme si l'objectif visé n'était pas fondamentalement le contrôle de l'immigration mais des immigrés, facilitant à moindre frais l'utilisation de cette main-d'oeuvre. »[1]. Dans la revue du MRAP Droit et Liberté n°320 , la sociologue Maryse Tripier analyse la place des travailleurs immigrés dans l'emploi en France. 80 % sont embauchés comme ouvriers spécialisés. Les portuguais comptent 70% de travailleurs non qualifiés, les Maghrébins 81,5%, et les Algériens 87%. Dans ce même numéro le M.R.A.P. propose huit mesures urgentes "visant à amorcer une politique nouvelle, cohérente et humaine, conforme à la dignité et aux droits des travailleurs immigrés".

Fin août 1973, un déséquilibré mental, Salah Bougrine, blesse mortellement un chauffeur de bus. A la suite d'une campagne de presse très violente[1], sept algériens sont assassinés à Marseille dans les jours qui suivent l'enterrement du chauffeur. Le sud a été particulièrement touché par les exactions racistes de cet été 1973. Le gouvernement algérien suspend officiellement l'émigration car la sécurité de ses ressortissants n'est plus assurée. Le MRAP écrit à l'ambassade d'Algérie pour exprimer sa compréhension.

En janvier 1974, le journal d'extrême droite Minute titre : « Dehors les Algériens ! Ils n'ont plus leur place chez nous après le coup de force des pirates du pétrole. »[1].

En mars 1975, le MRAP élabore un projet de loi contre les expulsions arbitraires. A l'époque, un étranger entré régulièrement sur le territoire français et titulaire d'un titre de séjour peut être expulsé s'il « constitue une menace pour l'ordre ou le crédit public ». Quand une expulsion est prononcée, il faut deux ans avant que le cas soit réexaminé et le cas échéant, que la personne puisse revenir. Malgré certains arrêts du Conseil d'Etat, le sort des étrangers reste entre les mains des autorités politiques.

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George Pau-Langevin, Albert Levy, Mouloud Aounit, François Grémy (vers 1989).

Modèle:Référence nécessaire Les travailleurs étrangers feront une grève que la direction de l'entreprise tente de briser en accusant les étrangers de briser l'activité de l'entreprise. Le MRAP et la CGT se porteront partie civile contre l'entreprise.

Modèle:Référence nécessaire les policiers sont confrontés par les déclarations du ministre de l'Intérieur Poniatowski, qui affirme sans aucune preuve dans un bulletin du ministère confidentiel de juillet 1976 que les immigrés sont responsables de plus de crimes que les Français.[1] Le MRAP dénonce ces "statistiques truquées" dans un article de "Droit et Liberté" n°351 de Septembre 1976 et rappelle son argumentaire en dix points qui réfutent ces arguments racistes. Cet argumentaire a été publié dans "Droit et Liberté" n°349 de Juin 1976 p18/19.

Le MRAP alerte l'opinion et organise à Saint-Denis une Semaine de l'immigration.

Le changement de nom

En 1978, sous l'impulsion notable de son Secrétaire genéral Albert Lévy, le MRAP cesse de signifier Mouvement contre le racisme, l'antisémitisme et pour la paix pour devenir le Mouvement contre le Racisme et pour l'Amitié entre les Peuples.

Les raisons du changement sont explicités dans un article de Droit et Liberté N°364/365 de Décembre 1977-Janvier 1978 rendant compte du congrès de décembre 77.

L'article est intitulé: "LE TITRE DU M.R.A.P." en voici le contenu:

Mouvement contre le Racisme, l'Antisémitisme et pour la Paix: depuis longtemps déjà, une discussion est engagée sur l'appellation du m.r.a.p. Elle s'est approfondie pendant la préparation du congrès. Au congrès même, Pierre Paraf, dans son allocution d'ouverture, et Albert Lévy, dans le rapport du Bureau national, ont posé ce problème dans la perspective actuelle du développement du Mouvement. Une commission en a débattu et un vote est intervenu.

De quoi s'agit-il?

Au plan de la logique, la juxtaposition des mots racisme et antisémitisme dans le titre actuel du m.r.a.p., apparaît anormale. L'antisémitisme est un aspect du racisme, comme le sont également la xénophobie, le racisme anti-arabe, le racisme contre les noirs (avec une forme particulière: l'apartheid), le racisme anti-gitan, etc... Le fait d'établir une équivalence entre le contenant et un des contenus, peut donner l'impression que l'on écarte ou minimise la lutte contre les autres aspects du racisme. Et comme on ne peut énumérer dans le titre toutes les catégories visées par le même phénomène, ne vaut-il pas mieux s'en tenir au terme général de racisme qui les englobe toutes?

Cette formule correspond aux conceptions que le m.r.a.p. a toujours défendues sur la liaison entre tous les racismes et la nécessité de mener contre tous un seul et même combat. Elle correspond à l'évolution des mots et des faits, aux études des sociologues, aux textes de l'O.N.U., ainsi qu'à la "loi relative à la lutte contre le racisme" du 1er Juillet 1972; qui concerne les discriminations et provocations à la haine fondées sur la race, l'ethnie, la religion et la nationalité.

Le titre actuel reflète la situation qui existait lors de la fondation du m.r.a.p. en 1949, au lendemain de la guerre. L'antisémitisme était l'aspect du racisme auquel l'opinion était le plus sensible; c'est l'introduction du mot racisme qui représentait alors une volonté d'élargissement. Aujourd'hui, au contraire, surtout pour les personnes qui ignorent le m.r.a.p. et son action tous azimuts, cette juxtaposition fait problème. Pourtant, ceux qui préconisent son maintien, sont guidés par la crainte que la suppression du mot antisémitisme soit interprétée comme un abandon de la lutte contre cet aspect du racisme, ou même entraîne un ralentissement de l'action dans ce domaine. Certains estiment que racisme et antisémitisme sont deux phénomènes différents et que le premier terme ne saurait inclure le second. Par ailleurs, l'accord est total pour conserver les initiales m.r.a.p. universellement connues. Aussi une modification a été conçue: remplacer le mot "paix" par "amitié entre les peuples" Tous les membres du m.r.a.p. sont évidemment attachés fondamentalement à la paix, car sans elle, la lutte antiraciste est privée de perspective. Toutefois, l'expression proposée indique peut-être avec plus de précisions la vocation et la spécificité du Mouvement. Elle peut concerner aussi bien les hommes que séparent les frontières que ceux, dans un pays comme la France, que les migrations ont fait se rencontrer. Elle appelle aux contacts, aux échanges pour une meilleure connaissance réciproque des hommes et des peuples. Le vote, au congrès,a donné les résultats suivants: pour le changement de titre: 75%; contre: 21%; abstentions: 4%. 14 variantes diverses ont été suggérées pour le nouveau titre, mais parmi les partisans du changement, plus de 90% se sont prononcés pour le titre: Mouvement contre le Racisme et pour l'Amitié entre les Peuples. Parallèlement, les statuts du m.r.a.p. ont été précisés, pour bien faire apparaître que le mot racisme figurant dans le nouveau titre couvre toutes les formes de racisme, quelles qu'en soient les victimes. Après le vote, cependant, le congrès a estimé nécessaire de ne pas procéder au changement de façon hâtive. Le nouveau Bureau National a pour mandat de poursuivre l'information et la consultation auprès de tous les adhérents. C'est au bout de plusieurs mois que le Comité National prendra des dispositions pour faire connaître et rendre effectif le nouveau titre. Dans l'immédiat tous les adhérents, tous les lecteurs de "droit et liberté" qui le souhaitent peuvent faire parvenir leur point de vue à leurs comités locaux ou au Secrétariat national du m.r.a.p.

(fin de l'article) On peut aussi se référer aux articles "Congrès: le débat est ouvert" de Droit et Liberté n°359 de Juillet 1977 et n°360 de Août 1977.

Le changement de nom du MRAP reste encore aujourd'hui l'objet de débats passionnés. Pour certains, le retrait du terme « antisémitisme » signifie l'abandon de cette lutte, tandis que pour d'autres le changement de nom n'est qu'un signe de l'engagement du MRAP aux côtés des victimes de tous les racismes.

Notes