Témoignage de Albert Levy sur l'histoire du MRAP
Un article de WikiMrap.
MEMOIRE DU MRAP
Témoignage d'Albert LEVY sur l'histoire du MRAP, lors de la journée de formation de la région Rhône-Alpes, samedi 16 octobre 1993.
LES ORIGINES.
Le MRAP a été fondé le 22 mai 1949. Il existe 700 000 associations en France. Il s'en crée environ 5 000 par an. Cela ne veut pas dire qu'il y a 700 000 associations en activité: celles qui disparaissent ne le font pas toujours savoir et elles demeurent inscrites dans les préfectures dans le cadre de la loi 1901. Mais ces chiffres donnent une idée de l'importance du mouvement associatif en France auquel le MRAP est partie prenante.
Le MRAP existe donc depuis 44 ans. Comment expliquer cette longévité par rapport à beaucoup d'autres associations?
Elle tient d'abord au fait que son objet persiste, c'est-à-dire que la nécessité de la lutte contre le racisme est aussi flagrante aujourd'hui qu'en 1949. Deuxièmement, cette organisation est basée sur une relation avec la situation ambiante, elle n'est pas une association qui vit dans l'abstrait, elle est liée avec la société et avec l'actualité. De plus, c'est une organisation démocratique; souvent des associations ont disparu à la suite de conflits internes et d'ambitions personnelles, tandis que celle-là est conçue pour agir en « rapport avec le réel et non pas pour satisfaire les individus qui la dirigent ou qui en font partie. Et puis, l'une des raisons essentielles de la persistance du MRAP, c'est le fait qu'il a créé des comités locaux; et ce dès le début. Il doit sa force et son développement à leur diversité, au fait qu'ils sont relativement autonomes, puisque chaque comité est déclaré en tant que tel comme association locale, chaque fédération également; il se rattache donc par de nombreuses racines à la vie sociale du pays,
La lutte contre le racisme n'a pas commencé avec la fondation du MRAP.
S'il y a eu des antécédents de lutte contre le racisme, c'est parce qu'il y a eu des antécédents de racisme; c'est une vieille histoire; l'anti-judaïsme chrétien remonte très haut dans l'histoire de l'Europe et dans l'histoire de France; il est devenu antisémitisme au 19éme siècle, il est l'une des branches du racisme.
Autre antécédent: l'esclavage, le colonialisme, qui datent aussi de très longtemps, de l'Antiquité pour l'esclavage, avec ensuite la traite des Noirs, et puis les conquêtes coloniales. Le tournant décisif du racisme colonial fut l'arrivée de Christophe Colomb en Amérique. Telles sont les deux sources principales du racisme auquel les antiracistes ont été confrontés en France.
Et l'antiracisme aussi a une histoire en France qui remonte assez loin. Je pense en particulier à Montaigne qui a été l'un des premiers à argumenter contre les préjugés racistes. Si on se reporte, aux "Essais", au chapitre «Les Cannibales", il est instructif d'y jeter un coup d'œil, même aujourd'hui, pour observer la méthode qu'il utilise, et la rigueur de ses démonstrations. Et puis il y a eu le Siècle des Lumières, la Révolution Française, l'Abbé Grégoire qu'on a appelé I'Ami des hommes de toutes les couleurs" et qui a joué un rôle important dans l'émancipation des juifs. Je cite un autre jalon qui est l'Affaire Dreyfus; c'est à ce moment-là que la Ligue des Droits de l'Homme a été créée; elle a joué alors et continue de jouer un rôle important dans la lutte contre le racisme. Ensuite il y a eu, avant même le nazisme, la création de la LICA, Ligue Internationale Contre l'Antisémitisme, en réponse aux pogroms qui avaient lieu dans l'ancienne Russie tsariste.
Le MRAP, lui, puise ses origines dans la période de la Résistance, à un moment où la LICA, qui était en France l'organisation de lutte contre le racisme, avait disparu pratiquement, dès le début de l'occupation; nombre de ses adhérents ou sympathisants ont certes participé à la Résistance, mais en tant qu'organisation elle a cessé d'exister. Donc, en 1941, s'est constitué le Mouvement National Contre le Racisme (MNCR.), parce que, dans les milieux de la Résistance, certains ont estimé qu'il y avait une lutte spécifique à mener contre le racisme dans le cadre général du combat pour libérer la France.
L'activité du MNCR peut se résumer en deux points: - d'une part, essayer de sauver le plus possible d'enfants juifs de la déportation, en liaison avec les églises catholique et protestante; - d'autre part, contrecarrer l'idéologie raciste de l'occupant et de Vichy, au moyen de tracts et de brochures, en suscitant et diffusant des prises de position d'écrivains, de scientifiques, ou encore celle du cardinal Saliège, à Toulouse, quand il a condamné en chaire l'antisémitisme. Le MNCR publiait deux journaux clandestins: « J'ACCUSE » en zone Nord, en référence à Zola lors de l'Affaire Dreyfus, et « FRATERNITE » en zone Sud,
Au lendemain de la Libération, les militants du MNCR et les anciens militants de la LICA se sont retrouvés et ont constitué l'Alliance Antiraciste qui avait gardé comme journal "Fraternité", venu du MNCR: et puis il y a eu, en 1946, la reconstitution de la LICA; l'Alliance Antiraciste a donc été disloquée. Cette rupture s'explique par des raisons politiques et sociales. Les militants regroupés provenaient de milieux différents; ceux qui ont constitué le MRAP après la reconstitution de la LICA, issus pour l'essentiel du MNCR, appartenaient à des milieux plus populaires, récemment immigrés, qui avaient beaucoup souffert de la guerre et de l'occupation. Le noyau du MRAP, c'étaient des sociétés juives formées de rescapés de la guerre, dont les familles avaient été déportées. En outre le nouveau mouvement bénéficiait du parrainage de personnalités de la Résistance, de milieux et d'opinions très variés. Depuis le début le MRAP a été pluraliste; par exemple, à la première Journée nationale, au Cirque d'Hiver à PARIS ( son Congrès constitutif), il y avait entre autres, le peintre CHAGALL, qui présidait la séance de clôture, Yves FARGE, un grand résistant, qui avait été nommé par De Gaulle préfet de LYON, aussitôt après la Libération, Gabriel d'ARBOUSSIER, à l'époque député du Sénégal, Alain LE LEAP, dirigeant de la C.G.T., Marc SANGNIER, éminent leader catholique depuis l'avant-guerre, le savant Marcel PRENANT.
1949, il faut le rappeler, c'était les débuts et, en même temps, le paroxysme de ce qu'on a appelé la guerre froide. c'est de ce contexte que le MRAP est né.
La guerre froide, c'était le renversement des alliances; les alliés de la veille: Angleterre, USA, France, URSS se sont séparés - dans des conditions qu'il faut encore approfondir -, et une partie d'entre eux se sont alliés à l'ancien ennemi, l'Allemagne. Ce revirement s'accompagnait d'un abandon en Allemagne de la dénazification, d'une renaissance du militarisme allemand puisque c'était une alliance militaire qui s'était constituée; l'OTAN date de 1949 justement. Les anciens généraux, les anciens nazis, experts de la lutte contre l'Union Soviétique ont "repris du poil de la bête"; les industriels qui avaient aidé le nazisme, les KRUPP et autres, ont reconstitué leur puissance.
Il est facile de comprendre que tous ceux qui avaient souffert, pas seulement les fondateurs du MRAP et pas seulement les Juifs, tous ceux qui avaient combattu le nazisme ont ressenti cette situation avec amertume et inquiétude à la fois, et ils ont éprouvé le besoin de réagir. Non pas pour prendre parti dans l'un des deux camps, mais pour empêcher que la guerre froide rie se transforme en guerre tout court, et que les partenaires du camp occidental s'acoquinent avec les anciens nazis. Aujourd'hui on a parfois du mal à imaginer jusqu'à quel point les valeurs considérées fondamentales ont été reniées. Un exemple: il y a eu, longtemps après, le procès de Barbie; mais il faut se souvenir qu'en 1946, BARBIE, le tortionnaire S.S., est devenu un agent de la CIA, c'est tout un symbole, justement, de ce renversement des alliances. Autre exemple: dans le cadre de l'OTAN, on a réorganisé les forces militaires, et le responsable des armées terrestres n'était autre que le général SPEIDEL, un général allemand qui avait dirigé les forces d'occupation en France; il y a eu, à ce moment-là, des jeunes Français qui ont refusé de servir dans l'armée française parce qu'elle se trouvait sous la direction de cet ancien nazi, ennemi de la veille.
Cela donne une idée du climat qui s'était instauré. En 1945, on avait dénombré 150 000 criminels de guerre en Allemagne; la plupart ont été libérés; le chancelier ADENAUER, le premier chancelier ouest- allemand, après la création de la RFA d'un côté, la RDA de l'autre, avait pour principal conseiller un nommé Hans GLOBKE qui avait été le rédacteur des lois antijuives de NUREMBERG en 1935.
Le MRAP a été un sursaut d'émotion, de résistance et de lutte contre le racisme, de lutte contre la guerre aussi: son premier litre était "Mouvement contre le Racisme, l'Antisémitisme et pour la Paix", ce qui correspondait bien aux problèmes de l'époque.
UNE HISTOIRE EN CINQ PERIODES.
Si on retrace l'histoire du MRAP pendant ces 44 années, on peut la diviser en plusieurs périodes - il vaudrait mieux dire des séquences, car elles se chevauchent parfois; il n'y a pas de ruptures chronologiques nettes:
- première période, celle des séquelles de la guerre, où les questions dominantes étaient le néo-nazisme, le regain d'antisémitisme et la guerre froide, jusque vers le milieu des années 50,
- ensuite, la période des guerres coloniales: la guerre d'Indochine de 1946 à 1954 ; la guerre d'Algérie, de 1954 à 1962. Le MRAP a été très actif par rapport à la guerre d'Algérie ;
- et puis, l'activité principale du MRAP était centrée sur l'immigration, Pendant les "30 glorieuses", c'est-à-dire les deux ou trois décennies d'expansion économique après la guerre, le patronal avait fait venir un grand nombre d'immigrés. Il fallait combattre le racisme qui justifiait leur exploitation effrénée; il fallait faire valoir leurs droits les plus élémentaires,
- ensuite, une période que j'appellerai celle de "la jonction de tous les racismes", qu'on pourrait situer de la fin des années 70 aux années 80, où le MRAP affrontait simultanément tous les aspects du racisme; il n'y avait pas de dominante comme auparavant, 1
- et nous arrivons à l'époque contemporaine dont l'analyse n'est qu'amorcée. Je la caractériserai peut-être par l'intrusion du racisme et de l'antiracisme dans la politique. Cette tendance s'est accentuée depuis le début des années 80. Parallèlement, l'Etat multiplie les mesures pour réduire l'immigration d'origine non-européenne, tandis que les jeunes générations qui en sont issues manifestent leur aspiration à l'intégration dans l'égalité. Les juifs sont devenus un enjeu électoral et, en conséquence, la dénonciation de l'antisémitisme s'est généralisée, non sans arrière-pensées dans la plupart des cas.
- 1. Les séquelles de la guerre.
A l'arrêt de la dénazification en Allemagne, correspond, en France l'arrêt de ce qu'on a appelé l'épuration. Un certain nombre de personnages, d'idées, de thèmes, imposés sous l'occupation réapparaissent. C'est en cela qu 'on peut parler des séquelles de la guerre.
Dès le début, le MRAP a pris corps autour d'une affaire significative: la distribution dans tout le pays d'un film qui s'appelait " Les nouveaux maîtres". Ce film était tiré d'une pièce de théâtre qui avait eu beaucoup moins de retentissement; son sujet se résumait ainsi: "les juifs sont de nouveau les maîtres de la France", en particulier les juifs étrangers. Peut-être avez-vous entendu parier de l'affaire JOANOVICI, un escroc d'origine juive, qui avait fait beaucoup parler de lui après la Libération, qui avait d'ailleurs collaboré avec les nazis pendant la guerre. Le film a été conçu en prenant ce cas pour symbole d'une mainmise généralisée. Un dirigeant de l'Action Française reconstituée, sous le nom de Restauration Nationale, avec "Aspects de la France" pour journal, avait publié un pamphlet intitulé: "La République de Joanovici". Le MRAP s'est implanté à travers une campagne contre "Les Nouveaux Maîtres", parce que chaque fois que le film était programmé dans une ville, il mobilisait l'opinion, les forces politiques, les forces spirituelles, pour faire interdire la projection, et au besoin , quand on n'y parvenait pas, l'empêcher physiquement . Les premiers comités locaux du MRAP se sont constitué en suivant l'itinéraire du film. A tel point que la firme productrice du film a intenté un procès contre le MRAP, l'avocat de cette firme était TIXIER-VIGNANCOUR avocat d'extrême-droite; le procès a duré plusieurs années: dans un premier temps, le MRAP a été condamné à deux millions de dommages et intérêts; mais en appel cette condamnation a été annulée.
Voilà une illustration du climat qui s'était instauré. Autre exemple, encore: le premier Commissaire aux questions juives de Vichy, XAVIER-VALLAT, - qui par la suite, a remplacé Philippe HENRIOT comme propagandiste officiel de VICHY, après l'exécution de celui-ci par la Résistance - avait été condamné à 10 ans de prison au lendemain de la guerre; libéré au bout de 5 ans, il reprend du service à "Aspects de la France". Charles MAURRAS, un des leaders de la propagande antisémite avant et pendant la guerre, avait été condamné à mort. On le retrouve également à "Aspects de la France", tout aussi virulent que dans le passé. Les journaux racistes se multiplient; on avait compté dans leurs rédactions sept ou huit anciens condamnés à mort pour collaboration.
Le MRAP a mené une campagne vigoureuse pendant plusieurs années contre ce renouveau du vichysme et du nazisme.
A cette époque également, dans le contexte de la guerre froide, l'antisémitisme a été utilisé par les gouvernements de l'Est et de l'Ouest. Avec l'affaire ROSENBERG aux USA, avec l'affaire SLANSKY--LONDON, à PRAGUE, et l'affaire des blouses blanches en URSS. C'était au début des années 50; et là - Il faut bien le dire, nous en avons fait après, l'analyse, la critique - le MRAP s'est investi, très activement dans un cas, beaucoup moins dans l'autre. Ethel et Julius ROSENBERG avaient été condamnés aux ETATS-UNIS pour espionnage au profit de ['UNION SOVIETIQUE ; c'étaient de simples gens - elle, dactylo, et lui, ingénieur électricien, des juifs progressistes. De toute évidence leur procès était injuste. lis ont été victimes du mac-carthysme aux USA, et ils ont proclamé leur innocence jusqu'au bout, jusqu'à leur mise à mort sur la chaise électrique en juin 1953 . Il y a eu une immense campagne dans le monde pour tenter de les sauver, avec les interventions du Pape, du président de la République Française, Vincent AURIOL, de la reine d'Angleterre. Le MRAP, après lecture des minutes du procès, a constitué un Comité de défense des ROSENBERG; c'est de France que l'action internationale est partie; l'affaire a secoué profondément l'opinion française.
Dans l'autre camp, au même moment, il y avait le procès de SLANSKY et d'autres dirigeants communistes, dont Gérard LONDON ; on connaît son livre « l’Aveu » et le film qui en a été tiré. Là aussi l'antisémitisme a sévi; on a choisi des juifs comme étant des espions du camp adverse, il y avait une symétrie en quelque sorte avec l'affaire ROSENBERG. Pourquoi le MRAP n'a-t-il pas été aussi combatif ? Cela s'explique d'abord par la fait que les ROSENBERG se proclamaient innocents alors que tous les accusés de Prague et de Moscou se proclamaient coupables ( le livre "l'Aveu" montre dans quelles conditions); deuxièmement, du côté soviétique, les procès prenaient la forme d'une dénonciation non pas des juifs, mais du sionisme, ce qui faisait penser à un débat idéologique, plus qu'à de l'antisémitisme. La réalité a été connue plus tard. "L'Aveu" date de 1968. On a su, par exemple, que certains aspects antisémites, qui n'apparaissaient pas publiquement, existaient dans le comportement des autorités politiques et judiciaires. Il faut reconnaître enfin une certaine partialité, parce que i'Union Soviétique était le pays qui avait le plus fait contre le nazisme, les communistes n'étaient pas seuls à se tromper sur ce qu'ils croyaient être le socialisme accompli, Nous étions dans le camp occidental, les progressistes ne voulaient pas attiser la guerre froide en donnant des arguments à ceux qui appelaient à se mobiliser contre l'URSS. Précisons toutefois que le MRAP n'a pas pris position contre ceux qui étaient accusés en Europe de l'Est; il s'est alors abstenu de les défendre.
Ultérieurement, il a lutté, avec toute L'énergie nécessaire, chaque fois que l'antisémitisme se manifestait dans ces pays, sous une forme ou sous une autre. Par exemple, il y a eu l'affaire CHTCHARANSKY, un juif accusé encore d'espionnage dans les années 70/80; deux de ses avocats français étaient des avocats du MRAP, et le MRAP l'a défendu activement jusqu'à ce qu'il soit autorisé à émigrer en Israël,
Aujourd'hui, les condamnés de ces procès antisémites ont été réhabilités morts ou vivants - dans les pays dits socialistes, tandis que les ROSENBERG ne sont toujours pas réhabilités. C'est pourquoi cette année (1993), à quelques militants, nous avons lancé une pétition qui a été envoyée au président CLINTON, pour demander la réouverture du dossier. Il y a eu un contre-procès à NEW-YORK, organisé par une grande association de juristes américains, procès qui a conclu à l'acquittement des ROSENBERG. On en est là.
-2.Les guerres coloniales.
Deuxième période/séquence: les guerres coloniales. La guerre du Vietnam se termine en 1954. et c'est quelques mois après, que la guerre d'Algérie commence.
Depuis le début, le MRAP a lié les différents racismes. Par rapport à la LICA, Ligue Internationale contre l'Antisémitisme, ses fondateurs avaient tenu à marquer, dans le titre choisi, qu'ils étaient «contre le racisme et l'antisémitisme". La solidarité avec les peuples coloniaux a toujours été un des grands thèmes de l'action du MRAP. En Afrique noire comme au Maghreb, il a soutenu les mouvements de libération qui se sont développés de différentes façons.
Le mouvement nationaliste algérien existait aussi en France dans l'immigration.
En décembre 1951, un meeting devait avoir lieu au Vel d'Hiv', en présence de tous les ambassadeurs des pays arabes à l'ONU: ce meeting a été interdit. Il se trouve que, en tant que journaliste à Droit et Liberté, je suis allé voir ce qui se passait. Et j'ai vu. Autour du Vel d'Hiv', 15 000 Algériens ont été arrêtés par la police; aux sorties de métro, les policiers regardaient les gens, et quand ils avaient "l'air" algérien, les brutalisaient et les embarquaient dans des cars.
Ici, une parenthèse sur l'histoire des mots. C'est précisément au Vel d'Hiv', je le rappelle, que la police de Vichy avait parqué les juifs, après la rafle du 16 juillet 1942. D'autre part, je gardais le souvenir du procès de la Police aux Questions Juives, auquel j'avais assisté en 1949: j'avais entendu alors les accusés, évoquant la "chasse aux juifs" qu'ils pratiquaient sous l'occupation, employer l'expression "rafles au faciès". Cette formule administrative et pseudoscientifique, qui m'avait frappé, m'est revenue à l'esprit, je l'ai ressortie dans "Droit et Liberté", le MRAP l'a reprise sur des affiches, dans des tracts. Voilà comment le vocabulaire conçu au temps des nazis pour caractériser des opérations contre les juifs, a servi après la guerre pour caractériser celles qui visaient les Arabes.
Le 14 juillet 1953, comme chaque année à cette époque. il y avait un défilé populaire - qui contrebalançait en quelque sorte le défilé militaire. De nombreux Algériens y participaient, et il y a eu un affrontement avec la police qui entendait confisquer leurs banderoles. La police a tiré: 8 tués, 7 Algériens et un Français. Le MRAP a organisé un grand meeting de protestation.
Pendant la guerre d'Algérie, le MRAP a mené campagne contre les exactions commises en Algérie, contre les tortures, pour la paix. D'autant plus que pendant cette guerre de nouvelles formes de racisme se manifestaient en France même. N'oublions pas que Jean-Marie LE PEN est entré à l'Assemblée Nationale en 1956, dans la lancée de la guerre d'Algérie; Il était l'un des 56 députés poujadistes qui réclamaient "l'Algérie française", qui se livraient à une agitation fasciste et nationaliste, antisémite aussi. Donc le MRAP a été de toutes les manifestations pour la paix en Algérie, contre l'OAS, il a vivement réagi aux violences criminelles du 17 octobre 1961 puisque nous sommes à la date anniversaire, C'était pratiquement, il faut s'en rendre compte, une situation d'état de siège. La guerre d'Algérie était aussi menée en France: la police française était en guerre contre l'immigration algérienne, avec tous les violences que cela supposait. Quelques jours pIus tôt, le préfet de police de PARIS, M. PAPON, instaurait un couvre-feu réservé aux seuls Algériens. Le MRAP a été, il me semble, la seule organisation qui ait protesté contre cette mesure. Et le 17 octobre, la population algérienne de PARIS et de la banlieue a décidé de faire une grande manifestation de protestation pacifique, avec les femmes et les enfants, dans le centre de PARIS pour réclamer la fin de cette discrimination. Une répression féroce s'est déchaînée contre eux. On a retrouvé des cadavres d'Algériens dans la Seine pendant plusieurs jours; il y a eu des tués par balles et par matraques.
A ce moment-là, la presse était sous le contrôle de la censure, certains journaux paraissaient avec des blancs à la place des articles supprimés. Toutes les manifestations étaient interdites. C'est dans ces conditions que le MRAP a été seul à pouvoir organiser un meeting de protestation. Pourquoi? parce que, justement, le MRAP était une association pluraliste, c'est-à-dire qu'il a réuni un curé, un pasteur, un rabbin, des syndicalistes de tous les syndicats, des universitaires dont un futur prix Nobel et l'auteur d'un film- témoignage sur le 17 octobre. Les autorités n'ont pas osé l'interdire. Mais - c'était à la salle LANCRY, près de la République - tout le quartier était en étal de siège, il y avait des cars de police partout pour tenter d'intimider les participants.
Nous avons aussi organisé une manifestation de rue - la seule qui n'ait pas été réprimée - en profitant du 11 novembre, trois semaines après. Il y a, près de la Bastille, une plaque à la mémoire des Algériens qui ont combattu pour la Libération de PARIS en 1944; et puisque, ce jour-là, on fleurit traditionnellement les plaques commémoratives, nous avons appelé à venir y déposer des gerbes et des bouquets. Plusieurs centaines de personnes, des associations ont répondu "présent". Ce n'est peut-être pas beaucoup, mais c'était un acte de résistance dans le climat de ces jours tragiques.
Le MRAP a été aussi parmi les organisations qui appelaient à la manifestation pour la paix, où il y a eu le fameux massacre de Charonne en février 1962. Pour nous, la paix en Algérie, intervenue en juillet, a été une victoire; nous y avions contribué activement.
-3. L'immigration.
Il serait faux de croire que la question de l'immigration n'existait pas auparavant, que le MRAP s'en désintéressait. Mais nous arrivons à une période où l'opinion française s'en est davantage préoccupée, et où le MRAP a eu à intervenir plus fortement.
La guerre d'Algérie était finie, mais elle laissait des douleurs, des rancœurs; la venue d'un million de Pieds-Noirs contribuait à attiser l'hostilité contre les immigrés algériens. Les groupes d'extrême droite qui s'étaient développés Jeune Nation, Occident, Ordre Nouveau, etc ... - tenaient le haut du pavé. Le Front National, le Parti des Forces Nouvelles, le GRECE datent du début des années 70. Des manifestations violentes avaient lieu contre "l'immigration sauvage".
Pour ce qui est de l'immigration, il faut faire la distinction entre deux périodes:
Elle a longtemps été le prolongement direct du colonialisme en ce sens que c'était une main-d’œuvre coloniale à bon marché transférée en Métropole. Après la guerre, ces transferts furent importants parce que l'économie exigeait ce genre de main-d’œuvre non qualifiée. On a donc fait venir ou laissé venir d'abord des immigrés des pays voisins moins développés, d'Espagne du Portugal et d'Italie... puis on est allé puiser dans les colonies. Des missions se rendaient sur place pour sélectionner les travailleurs et les ramener ; ceux qui venaient par leurs propres moyens, on les régularisait assez facilement. La demande était formidable, dans l'automobile, le bâtiment, les travaux publics: on a pu dire qu'à cette époque les immigrés ont construit 1 automobile sur 4, 1 logement sur 3, et 9 kilomètres d'autoroute sur 10. Ils ne prenaient pas la place des Français, ils leur permettaient d'échapper en partie aux tâches subalternes, les plus ingrates, les plus dangereuses et les plus mai payées.
Le racisme, à l'époque consistait à dire : "C'est normal qu'ils soient moins bien traités, car ils ont moins de besoins, ce sont des peuples inférieurs". Ces thèmes-là étaient répandus, entre autres par "Minute", qui parlait de ces immigrés qui se complaisent dans leurs bidonvilles. Ils étaient souvent logés, effectivement, dans des bidonvilles, comme Nanterre pour les Algériens, Champigny pour les Portugais, ou bien dans des taudis, dans des caves. Il fallait en somme, par le racisme, justifier la surexploitation, les mauvais traitements, conception typiquement coloniale.
Un changement intervient dans les premières années 70, quand la crise arrive, après les « 30 glorieuses ». La croissance faiblit, les formes de production se modifient; il y a de moins en moins d'O.S., le patronat réclame donc moins d'immigrés. Comme le chômage s'accroît, les racistes en rendent les immigrés responsables. Les actes de violence se multiplient contre les Algériens; en 73, par exemple, à partir d'un drame qui s'était produit à Marseille, où un Algérien, pris d'une crise de folie dans un autobus avait tué un voyageur, il y a eu une vague de crimes racistes contre des Maghrébins, mais aussi parfois contre des Portugais. Le MRAP a évidemment organisé des protestations. C'est à ce moment-là que le gouvernement algérien a interrompu l'émigration vers la France (en septembre 1973).
Ce qu'on a appelé le choc pétrolier (l'augmentation du prix du pétrole par les pays arabes), n'a pas arrangé les choses. Par exemple, on avait relevé cette forme de racisme primaire: un patron de bistrot refusait de servir un Algérien, en disant : "Pas de pétrole, pas de café".
Les mouvements ouvrier et étudiant de mai 1968, pourtant, avaient mis l'accent sur la situation des travailleurs immigrés. Sans doute cette prise de conscience explique-t-elle aussi l'exaspération des racistes. Dès le 21 mars de cette année, le MRAP avait centré la 20 journée internationale contre le racisme sur le logement des immigrés. Ensuite, pendant les grèves de mai, il a participé aux actions, aux débats en faveur de l'égalité des droits.
-4. Jonction de tous les racismes.
Que le racisme anti-arabe et anti-immigré se développent n'atténue pas le racisme antijuif. La jonction est symbolisée par ce papillon que diffuse une organisation néo-nazie: on y voit une croix gammée, et l'ancienne mention "Mort aux juifs" remplacée par: "Les immigrés dehors". Le slogan a changé, mais pas la référence, ni la source. Les anciens nazis, tout en adoptant les thèmes anti-immigrés, n'abandonnent pas leurs habitudes; ils s'efforcent même de donner une cohérence globale à leur idéologie raciste. Ainsi, à la mort de DUPRAT, un dirigeant du Front National, son journal "Le National" publie un article significatif, avec le raisonnement suivant: "Ce sont les juifs qui ont instauré l'I.V.G.; Simone Veil, soutenue par des tas de médecins juifs. Or, quel est le but de I'I.V.G.? C'est d'empêcher les Français d'avoir des enfants, pour que ce soient les enfants des immigrés qui prennent notre place, puisque, eux, ont beaucoup d'enfants". Une autre organisation raciste collait des affichettes disant: ce sont les juifs qui nous amènent les immigrés.
De 1977 à 1980, une série d'attentats ont lieu contre le MRAP, son siège, ses dirigeants, contre des centres communautaires juifs, des associations d'étudiants opposés au racisme, ainsi que des agressions contre des Maghrébins: par exemple ce jeune Algérien qui avait eu le dos tailladé au rasoir, dans la banlieue parisienne. Jusqu'à l'attentat contre la synagogue de la rue Copernic (octobre 1980), qui a fait plusieurs morts et dont on n'a toujours pas trouvé les auteurs.
C'est aussi en 1977, que le MRAP a changé de titre; il s'appelait auparavant "Mouvement contre le Racisme, l'Antisémitisme et pour la Paix". On nous disait: "Pourquoi mettez-vous l'antisémitisme à part, puisque c'est une forme de racisme?" En conservant les mêmes initiales, le MRAP est devenu "Mouvement contre le Racisme, et pour l'Amitié entre les Peuples".
-5. L'intrusion du racisme dans la politique.
Et maintenant?
Ce qui est nouveau, me semble-t-il, c'est l'intrusion du racisme dans la politique dont il est devenu un enjeu important. On peut situer le début de cette période en 1983, aux élections cantonales, où le Front National a commencé à monter ; à ses trousses, la droite classique a commencé à lui emprunter ses thèmes anti-immigrés . Je possède une petite collection de textes de dirigeants du R.P.R. ou de l'U.D.F. de l'époque, sur l'immigration cause de délinquance ou de chômage. On a parlé d'un "racisme d'opposition", utilisé par la droite pour discréditer le gouvernement de gauche en prétendant qu'il faisait la part trop belle aux immigrés, aux étrangers, qu'il était, en somme, lé "gouvernement de l'étranger".
Il faut dire, par ailleurs, que ce gouvernement n'a pas accompli de grands efforts pour démystifier ces campagnes qui faisaient des immigrés, de plus en plus, les boucs émissaires de la crise.
Aujourd'hui comme hier, des gouvernants, qui ne peuvent pas ou ne veulent pas résoudre les problèmes posés au pays, ont intérêt à ce qu'on parle d'autre chose. Soit en les attaquant brutalement, soit en leur donnant une place démesurée dans le débat politique, ils se servent des immigrés comme d'un moyen de division et de diversion. Si bien que, paradoxalement, l'importance accordée à l'antiracisme, d'une façon générale et abstraite, peut devenir un artifice pour éviter l'examen des causes. réelles du racisme et des facteurs qui le favorisent : le désarroi, le mécontentement, les sentiments de frustration et d'impuissance résultant des difficultés que vivent la majorité des citoyens.
Dans le même temps, la question de l'immigration se modifie sensiblement. L'économie française a de moins en moins besoin de main-d’œuvre non qualifiée, cela pour différentes raisons: les mutations technologiques, l'accroissement de la productivité, les délocalisations d'entreprises vers les pays en voie de développement,
Par ailleurs, l'Union Européenne, en vertu du traité de Maastricht, doit autoriser la libre circulation des personnes après celle des capitaux et des marchandises), autrement dit la venue sans formalités, dans les pays les plus industrialisés, de travailleurs ne trouvant pas d'emplois dans ceux qui le sont moins.
Dès lors, les mesures de Pasqua (et d'autres déjà prises auparavant), que l'on dit destinées à réduire l'immigration (jusqu'à zéro), visent en réalité les immigrés non-européens, non-blancs. Le patronat continue de faire jouer la concurrence entre Français et étrangers et entre étrangers de diverses nationalités, sur fond de rejet des originaires des anciennes colonies, du Tiers-monde. Dans ces conditions nouvelles, il s'efforce de tirer des Français et des Européens, les avantages particuliers que lui procurait la surexploitation des immigrés maghrébins et africains: le chômage, qui assure à son tour une réserve de travailleurs en situation de précarité et de moindre résistance, devient un instrument de pression sur les salaires, les droits sociaux et syndicaux.
Au plan international, il importe aussi d'analyser et de combattre la montée des intégrismes, ainsi que le racisme qui se manifeste dans les conflits de l'après guerre froide, comme en ex-Yougoslavie.
LES ACTIONS QUI TRAVERSENT TOUTES LES PERIODES.
Pour terminer, après avoir fractionné un peu arbitrairement l'histoire du MRAP en plusieurs périodes, je voudrais souligner que beaucoup d'actions qu'il a menées se poursuivent de l'une à l'autre. Quand le racisme anti-immigré était le plus à l'ordre du jour, le MRAP n'a pas abandonné la lutte contre l'antisémitisme et réciproquement. Il y a eu également des campagnes qui se sont prolongées pendant des décennies.
Celle qui visait à l'adoption d'une loi contre le racisme a duré 13 ans, le MRAP a déposé la proposition de loi en 1959, et elle a été votée au Parlement en 1972. Nous avons édité un livre qui le raconte, et qui donne un premier aperçu de la riche jurisprudence née de l'application de la loi.
Des actions continues, de grande importance, mériteraient une étude détaillée, par exemple au sujet du Proche-Orient. Le MRAP s'est toujours prononcé pour l'entente entre le peuple palestinien et le peuple israélien, pour le respect des droits de l'un et de l'autre, ce qui lui valait quelquefois d'être mal vu des deux côtés, parce qu'il y a eu des évolutions des deux côtés. Au moment de la guerre de SIX JOURS, en 1967, nous n'étions pas tellement nombreux à prôner la paix, le respect mutuel. Selon les sondages il y avait alors 2%, de Français qui étaient favorables au peuple palestinien. Et le MRAP a été le seul à organiser un grand meeting à la Mutualité à PARIS contre la guerre, avec des personnalités très diverses et très connues. Nous avons organisé également une table ronde où discutaient des juifs et des Arabes; Alain SAVARY, qui y participait, avait eu cette formule: "En ce moment, il y a deux camps, le camp pro-israélien et le camp pro-arabe, mais vous, le MRAP, vous êtes dans le camp des principes!" . Un éloge à retenir.
Autre action permanente menée par le MRAP: contre l'apartheid . Que de manifestations, de meetings, d'initiatives originales, pour soutenir les luttes du peuple noir d'Afrique du Sud, et aboutir à ce qui se passe aujourd'hui! Nous avons été parmi les premiers et les plus actifs. Un seul exemple: la date du 21 mars, Journée internationale contre le racisme, a été choisie parce que c'était l'anniversaire du massacre de Sharpville qui a eu lieu en 1960; pour protester contre ce massacre, dès le lendemain, le MRAP organisait une manifestation devant l'ambassade d'Afrique du Sud, et son mensuel "Droit et Liberté" publiait plusieurs pages à ce sujet.
CONCLUSION ?
En conclusion - si l'on peut conclure !-, je dirais que si un historien se demandait ce que le MRAP a apporté et ce qu'il apporte, il pourrait retenir ceci:
- Premièrement il a apporté cette réalisation majeure: la loi de 1972.
C'est ce qui restera si, un jour, le MRAP n'existe plus. Elle est une des plus efficaces au monde en la matière, même si une loi ne résout pas tous les problèmes. Surtout, elle permet l'intervention des associations en Justice: ce fut une rupture dans la doctrine française, car jusque-là il n'y avait que les associations de pêcheurs à la ligne ou de défense des animaux qui en avaient le droit. Le MRAP a introduit ce changement et, depuis, quelques autres associations en ont bénéficié, notamment, les associations de déportés contre le négationnisme, les associations féminines contre le sexisme ......
- Deuxièmement, s'agissant des conceptions fondamentales, le MRAP a fait largement admettre dans l'opinion française l'unicité du racisme. Le fait que le racisme est un tout , quelles qu'en soient les victimes. Cette globalisation ressort des travaux des sociologues, figure dans les documents de l'ONU et de l'UNESCO, dans la loi de 1972, et, depuis 1977, dans le titre du MRAP. J'aime bien la formule d'Albert MEMMI, qui a forgé le mot "hétéro phobie", la haine de celui qui est autre, et qui peul se subdiviser en xénophobie, judéophobie, arabophobie, etc .... ; ce qui donne bien l'idée d'unicité du racisme. Dans tous les cas, l'idéologie, la démarche, les comportements sont identiques, et aussi les conséquences.
Autre conception du MRAP qui s'est imposée: il n'est pas un syndicat des victimes du racisme, Nous les défendons, bien sûr, mais nous considérons qu'il s'agit d'une lutte démocratique, une lutte de principe et qui ne concerne pas que les victimes, mais toute la société . Le MRAP réunit dans ses rangs, dans ses actions, des gens qui sont victimes des différents racismes et des gens qui ne sont pas directement visés; mais ces derniers ont intérêt à combattre le racisme, car il est une arme de dislocation de la société, il divise les gens qui ont des intérêts communs. L'Abbé Pierre a eu, un jour, cette formule que je répète souvent: "le raciste est un mutilé qui a peur et qui se trompe de colère". S'il est un mutilé, s'il a peur et s'il se trompe de colère, il est, lui aussi, une des victimes du racisme, c'est le fond de la conception du MRAP.
Enfin ce que le MRAP a encore apporté, c'est le pluralisme. La lutte contre le racisme n'est pas l'affaire d'un parti, ni d'un groupe, ni d'un milieu, c'est l'affaire de tout le monde . Pluralisme également dans les formes de luttes contre le racisme, qui peuvent aller de la défense, de la riposte à la prévention, à l'éducation.
Telle est l'originalité du MRAP. Il peut évidemment changer, inventer de nouvelles idées, de nouvelles formes d'action, en fonction de l'actualité; on ne peut pas prévoir ce qu'il sera demain. L'essentiel, c'est précisément son aptitude à s'adapter, à rajeunir continuellement, à franchir les générations. Ce qu'il faut souhaiter, c'est qu'il colle toujours à la réalité.